Markus Kaufmann
Secrétaire général de la Conférence Suisse des institutions d'action sociale (CSIAS)
Markus Kaufmann
Secrétaire général de la Conférence Suisse des institutions d'action sociale (CSIAS)
«L'aide individuelle par les organisations privées ne Peut pas et ne devrait pas soulager ou remplacer l'aide sociale publique. L'aide des organisations privées comme celle de la SSIJP est un complément important parce qu'elles ont une plus grande marge de manœuvre que l'État dans des situations spécifiques»
En 2020, l’aide individuelle a de nouveau atteint son plafond budgétaire d’un demimillion de francs. La SSUP s’attend à une véritable explosion des demandes d’aide en 2022, lorsqu’en raison de la pandémie, les personnes ayant perdu leur emploi arriveront en fin de droits d’assurance chômage.
Confinement et télétravail
Le nombre de demandes reçues par la SSUP au titre de l’Aide individuelle a régulièrement augmenté ces dernières années. En 2020, la progression a été de 15 % par rapport à 2019. Plusieurs facteurs expliquent cette hausse. Ainsi, la pression politique sur les services sociaux communaux a continué à se renforcer: de plus en plus de communes se livrent à une concurrence en matière d’aide sociale, en adoptant une attitude restrictive à l’égard des personnes touchées par la pauvreté. Dans de nombreuses communes, le montant de base pour les personnes titulaires d’un permis F est inférieur de 30 % aux directives de la CSIAS, ce qui rend absolument impossible une participation à la vie sociale. En 2020, un nombre particulièrement important de personnes démunies se sont adressées directement à la SSUP ou à d’autres organisations privées du fait qu’en Suisse romande et au Tessin, plusieurs services communaux d’aide sociale ont demandé à leur personnel de faire du télétravail, ce qui a eu pour conséquence que les personnes dans le besoin n’ont pas pu les joindre par téléphone ou par courriel pendant des semaines.
Les débiteurs indésirables
Une autre raison encore explique le nombre croissant des demandes d’aide adressées aux organisations privées: une personne sur quatre ayant droit à l’aide sociale y renonce délibérément. Cette renonciation est de plus en plus souvent dictée par la peur. En effet, certains cantons annoncent ouvertement qu’une demande d’aide sociale peut faire perdre le permis de séjour. Les titulaires d’un permis B, et de plus en plus souvent même C, sont signalés au SEM, une fois que l’aide sociale reçue atteint un certain montant. Les personnes à faible revenu s’endettent donc souvent à outrance. Mais pour les titulaires d’un permis B ou C, avoir des dettes est risqué car l’Etat peut alors leur refuser la prolongation de ce permis.
Le long terme non pris en compte
Depuis quelques années, la SSUP reçoit un nombre croissant de demandes de soutien pour une formation ou une formation continue qui, pour des chômeurs, augmentent les chances de trouver un emploi. Ainsi, la formation d’assistance en soins proposée par la CRS est souvent une solution pour quitter le chômage ou pour s’affranchir de l’aide sociale. Certains bénéficiaires d’aide sociale trouvent un emploi après avoir passé le permis de conduire (voiture, bus ou camion). Il est donc d’autant plus regrettable que les services sociaux communaux considèrent souvent l’acquisition d’un permis de conduire comme nécessaire pour qu’un «client» puisse s’affranchir de l’aide sociale, mais qu’en même temps, ils refusent de participer aux frais. De nombreuses communes préfèrent verser l’aide sociale à long terme plutôt que d’investir deux à trois mille francs dans des mesures ponctuelles de formation.
Des bons exemples …
L’engagement bénévole d’un jeune avocat pour Monsieur P. ayant rencontré des difficultés financières, nous a impressionnés. Après une enfance et une jeunesse difficiles, P. a gardé la tête hors de l’eau grâce à des petits boulots, puis il est devenu chômeur et enfin il été obligé de demander l’aide sociale. Les dettes se sont accumulées et la motivation pour reprendre le contrôle de sa vie a chuté. L’avocat s’est alors porté bénévole pour accepter un mandat d’assistance, il a élaboré un plan d’assainissement financier, a négocié avec les créanciers et a suivi minutieusement les dépenses de Monsieur P. La SSUP a reçu une demande de prise en charge des arriérés de caisse maladie de P., lesquels ne pouvaient être inclus dans la procédure de désendettement. Depuis, P. a repris courage et trouvé un emploi. Il paie régulièrement ses échéances de désendettement et ses factures courantes. A plus long terme, il souhaite reprendre la formation professionnelle qu’il a interrompue.
… et des mauvais aussi.
En été 2020, une grand-mère de 61 ans a obtenu la garde officielle de ses six petits-enfants âgés de 13, 12, 10, 8, 5 et 2 ans. La mère des enfants n’était psychologiquement plus en mesure de s’en occuper. Comme le placement des enfants était urgent, la grand-mère n’a pas reçu d’allocation de soins, mais seulement le montant de base de l’aide sociale pour les six enfants. Il était impossible pour la grand-mère d’accomplir sa nouvelle tâche sans voiture. Or, son véhicule n’était plus en état de marche. Cependant, le service d’aide sociale de la commune valaisanne a refusé de verser à la grand-mère les 3 000 francs nécessaires à l’achat d’une voiture d’occasion. Il a exigé que la voiture soit financée par des fondations. La SSUP a pris en charge l’achat de cette voiture, permettant à la grand-mère de combiner son emploi à 50% à la Spitex et la garde de ses six petits-enfants.