1. août 2016
Une Fête nationale riche en premières
Et pour la première fois aussi, outre les paroles du Cantique suisse, devait être chantée sur sa mélodie la strophe proposée par Werner Widmer, laquelle a remporté le concours artistique ayant réuni plus de 200 contributions de toute la Suisse. En raison des attentats commis à Paris et Bruxelles, la SSUP, responsable de la cérémonie au Grütli, avait enfin demandé aux polices cantonales de Schwyz et Uri ainsi qu’à l’organisation Securitas de renforcer les contrôles de sécurité. Depuis dix ans déjà, ne peuvent accéder le 1er août au Grütli que les personnes ayant auparavant demandé un billet d’entrée et dont l’identité a été vérifiée par la police sur cette base. En 2016, les gardes Securitas ont en outre inspecté tous les sacs avant de laisser accéder le public à la prairie. Cette mesure de sécurité supplémentaire – devenue routinière dans les grands magasins parisiens – a été acceptée sans problème et même acquittée par certains d’un remerciement.
Comme si souvent ces dernières années, le ciel a été clément le 1er août, permettant à 1400 personnes de se réunir dans la prairie sans sortir leur imperméable. Ce public a compté, entre autres, quelque 500 représentants de la Croix-Rouge suisse (CRS), laquelle fêtait ses 150 ans en 2016. En outre, plus d’une centaine de représentants diplomatiques du monde entier ont assisté à la cérémonie légendaire.
L’actuelle présidente de la CRS, Annemarie Huber-Hotz, ancienne chancelière fédérale et ancienne présidente de la SSUP, a conclu son plaidoyer enflammé par un appel encourageant dans l’esprit d’Henri Dunant: «S’il est vrai que nous ne pouvons pas fondamentalement changer le monde, nous pouvons, en nous appuyant sur nos valeurs et sur le bénévolat si incroyablement libérateur, insuffler un courant d’air frais aux relations humaines, économiques et politiques. Faisons-le! Dans l’intérêt de notre prochain et au bénéfice de notre pays. Bref: pour la vie.»
Carla Del Ponte, ancienne procureure générale de la Confédération suisse, ancienne procureure du Tribunal pénal international de La Haye et ancienne ambassadrice suisse en Argentine, a commencé par avouer sans détours qu’elle n’aimait pas prononcer des discours et que, dans un premier temps, elle avait donc refusé l’invitation de la SSUP. Cela fait plusieurs années que Carla Del Ponte investit son temps et son élan dans la poursuite d’atteintes aux droits humains en Syrie. Elle espère que les membres du Conseil de sécurité de l’ONU approuveront bientôt la création d’un tribunal d’exception, bien qu’ils soient, pour certains, parties prenantes au conflit. Dans son discours, Carla Del Ponte a mis en exergue le fait que la Suisse soit fondamentalement prête au dialogue et au compromis, et elle a souligné que la tolérance est une autre vertu reconnue de ce pays issu de la volonté de ses citoyens. Toutefois, elle a aussi posé la question critique de savoir si, de nos jours, nous étions encore capables d’agir fidèles à ces valeurs. Elle pensait notamment à des décisions prises par le peuple suisse alors qu’elles sont en contradiction avec les règles fixées par les institutions politiques et s’opposent à la Constitution fédérale, aux traités internationaux ou aux droits humains. La Tessinoise nous a mis en garde contre le risque de perdre notre grande richesse, notre diversité et les caractéristiques propres de nos langues et cultures.
«Si nous ne parvenons pas à identifier notre diversité et notre ouverture comme des valeurs positives et à les vivre, nous sabotons le fondement même de cette Suisse dont nous sommes souvent si fiers.» Carla Del Ponte a rappelé que de nombreux Suisses, vivant dans ce pays ou à l’étranger, défendent avec courage et dans l’intérêt de la Suisse des valeurs telles que le dialogue, l’ouverture et la tolérance, que ce soit dans des organisations humanitaires, en tant que diplomates, scientifiques ou professionnels. Nous devrions être reconnaissants envers toutes ces personnes où qu’elles vivent dans le monde. Le discours de Carla Del Ponte a débouché sur la confiance à accorder au courage. «Il nous faut conserver notre indépendance et notre diversité sans nous laisser intimider, car la peur est de mauvais conseil, elle risquerait de nous isoler et, en nous refermant sur nous-mêmes, nous pourrions nous retrouver parmi les perdants dans un monde globalisé.» ???
Comme ces dernières années, la société de musique de Brunnen a alors donné le signal et le public a entonné la première strophe du Cantique suisse dans les quatre langues nationales. Le Chœur Suisse des Jeunes a ensuite interprété, également dans les quatre langues nationales, la nouvelle strophe proposée par Werner Widmer: «Sur fond rouge la croix blanche, symbole de notre alliance …» Parmi le public, quelques personnes se sont spontanément mises à chanter aussi, cependant la majorité a écouté attentivement ces paroles non encore familières. Les dirigeants de la SSUP craignaient que les nouvelles paroles ne provoquent des sifflements ici et là, ce que le journal télévisé et les canaux privés se seraient délectés de commenter. Mais, il n’y a eu que des applaudissements – suivis d’un débat animé autour des tables dressées dans la prairie.
Le gérant du Grütli et son équipe ont d’ailleurs assuré une restauration simple mais de haute qualité. En l’honneur de Carla Del Ponte, un risotto ai funghi accompagné de luganighe a été servi.