26. juin 2018

Colloque sur le bénévolat: La société civile chez nous voisins

Découvrir la société civile de nos voisins
Le 7 juin 2018, plus de 100 personnes ont participé à l’atelier de stimulation à Yverdon. Elles se sont posé des questions sur le rôle de la société civile en France, en Allemagne et en Suisse.

Découvrir la société civile – avec nos voisins

Plus de 100 personnes ont abordé le rôle de la société civile en France, en Allemagne et en Suisse lors du colloque de la SSUP à Yverdon. La plupart des participants sont impliqués dans des organisations de la société civile ou sont actifs dans la société civile sur une base bénévole. Mais les représentants politiques ont également voulu en savoir plus sur la société civile des différents pays, comme le conseiller d’Etat tessinois Manuel Bertoli. C’est précisément parce que l’Etat et la société civile ne peuvent être clairement séparés en Suisse en raison de la souveraineté du peuple et du système de milice, qu’il n’y a ni débat ni stratégie politique concernant la société civile. C’est pourquoi des experts de France et d’Allemagne ont été invités à parler de l’ancrage de l’engagement de la société civile dans la politique et l’économie de nos pays voisins.

En amont de la conférence, 211 experts germanophones et 32 francophones de Suisse ont répondu à 7 questions sur le rôle de la société civile (les chiffres de la Suisse germanophone entre paranthèses).

  • La société civile (associations, fondations, NPO, ONG, églises) doit-elle assumer davantage de tâches lorsque l’État réduit ses dépenses ?

38,7% (52%) OUI

61,3% (48%) NO

  • La société civile doit-elle assumer davantage de tâches lorsque les familles et les proches sont débordés par les soins qu’ils prodiguent à leurs proches ?

42% (68%) OUI

0% (7,5%)  Non, les individus devraient assumer davantage de responsabilités.

58% (24,5%) Non, l’Etat doit intervenir

  • Les employeurs devraient-ils assouplir les horaires de travail afin que les employés puissent plus facilement assumer des tâches dans la société civile ainsi que des tâches de soins privés ?

93,5% (97%)            OUI

6,5% (3%)                NO

  • L’État devrait-il donner plus de poids à la société civile dans les questions relatives à la coexistence sociale (aménagement du territoire, soins à domicile, intégration des migrants, etc.)

100 % (83 %)           OUI

0 % (17%)                NO

  • L’État doit-il coordonner les activités de la société civile (soins, intégration, culture) ?

13% (21%)               Oui, les associations et les particuliers manquent souvent de ressources et de compétences.

42% (41%)               Oui, c’est une appréciation de l’engagement de la société civile

45% (38%)               Non, la société civile s’organise comme un partenaire de l’Etat.

  • Quelles mesures devraient être prises pour renforcer la société civile en Suisse ?

25% (33%)               L’Etat a besoin de stratégies claires de coopération.

25% (27%)               La société civile communique plus clairement sa contribution au bien commun.

31% (29%)               La société civile promeut un nouveau contrat social.

19% (11%)               Autres : Thématisation à l’école, avantages fiscaux, etc.

  • Constatez-vous des différences entre la Suisse alémanique et la Suisse latine dans la manière dont la société civile se conçoit et dans sa relation avec l’État ?

70 % (66 %)             OUI

30 % (34 %)             NO

Edith Archambault, professeur émérite d’économie et de sociologie à la Sorbonne à Paris, a parlé de la relation entre l’État et la société civile en France. Chez notre voisin occidental, il y a 12 fois plus d’associations qu’en Suisse, soit 1,3 million. En revanche, du fait d’une législation restrictive, il n’y a que 2300 fondations en France (environ 13 000 en Suisse). Le bénévolat formel dans les associations et organisations en France se situe probablement autour de 40% de la population adulte, comme en Allemagne. Il existe peu de chiffres précis sur le niveau du bénévolat, et aucun sur le bénévolat informel. Depuis 2010, 150 000 jeunes âgés de 16 à 25 ans effectuent une année de bénévolat social organisé par l’État, appelé Service civique. Les jeunes adultes sont accompagnés par un tuteur et reçoivent une indemnité de 580 € par mois (80 % payés par l’État, 20 % par l’institution sociale). Un bénévole sur sept aimerait continuer à faire du bénévolat après son stage. Un nombre différent de représentants de la société civile travaillent dans les services personnels de l’éducation, de la santé et de la protection sociale :

Services                        Etat      Société civile    Marché

Éducation                     76%      19%                 5%

Santé                           65%      12%                 23%

Services sociaux           28 %     62 %                10%

La politique sociale française fonctionne souvent dans l’esprit d’un partenariat privé-public, dit de co-construction, dans lequel l’État et la société civile sont conjointement impliqués. Depuis 1998, l’État collabore intensivement avec 18 associations caritatives pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion. Le “Haut Conseil à la Vie Associative” est consulté par l’Etat sur les lois concernant les organisations de la société civile. Le modèle de co-construction existe aussi au niveau local dans la France centraliste.

Konstantin Kehl, chargé de cours en gestion sociale à l’Université des sciences appliquées de Zurich (ZHAW), a parlé de la société civile et du bénévolat en Allemagne et en Suisse. Alors qu’à de nombreux égards, la Suisse se considère et se présente comme un cas particulier (« Sonderfall »), l’Allemagne joue ce rôle en ce qui concerne l’engagement de la société civile. Là, il y a pratiquement une obligation politique et morale de s’impliquer. La pensée républicaine selon laquelle l’homme en tant qu’être social et politique ne réalise sa nature que lorsqu’il participe politiquement à la communauté est plus développée en Allemagne que l’attitude libérale selon laquelle l’homme est d’abord un citoyen éclairé et responsable de lui-même. Le devoir civique a tendance à être plus élevé que le droit civique. Alors que le bénévolat formel a légèrement diminué en Suisse et légèrement augmenté en Allemagne au cours des dix dernières années, les deux pays interprètent paradoxalement ce changement comme étant dû aux mêmes raisons : la mobilité croissante sur le marché du travail et l’augmentation de l’emploi féminin. Alors qu’en Suisse, ces facteurs sont considérés comme une concurrence au bénévolat, en Allemagne, ils sont considérés comme des opportunités pour le bénévolat. Enfin, M. Kehl a abordé le rôle de l’État dans la recherche et la promotion du bénévolat. En Allemagne, il existe une stratégie nationale en matière de bénévolat, un programme national de recherche sur le bénévolat et trois services nationaux d’aide sociale pour les jeunes et les personnes âgées. Cependant, Kehl est plutôt critique quant au rôle fort de l’État. En Suisse, où la recherche sur le bénévolat est menée par des acteurs individuels, M. Kehl plaide pour un programme de recherche interdisciplinaire coordonné, basé, par exemple, sur le Fonds national.

La conférence a abouti aux conclusions suivantes pour la société civile en Suisse :

  • Les entreprises devraient rendre les horaires de travail plus flexibles afin que les employés puissent plus facilement assumer des tâches dans la société civile, des tâches de soins privés et des tâches de milice.
  • L’État devrait donner à la société civile une plus grande place dans les questions qui touchent à la coexistence sociale (par exemple, l’aménagement du territoire, les soins, l’intégration).
  • Une discussion est nécessaire sur la question de savoir si et dans quels domaines l’État doit coordonner les activités de la société civile (soins, intégration, culture).
  • La société civile devrait communiquer plus clairement sa contribution au bien commun.
  • Il faut discuter d’un nouveau contrat social dans lequel les tâches de l’État, de la société civile, du marché et du secteur privé sont réparties de manière raisonnable, équitable et solidaire, et justifiées en termes de politique réglementaire.
  • Une année sociale bénévole devrait être créée. Elle doit être organisée par la société civile et soutenue par l’État et le marché.
  • Un conseil de la société civile national ainsi que des conseils cantonaux et communaux devraient être créés. Ces conseils doivent être consultés lorsque des lois affectant les organisations de la société civile sont créées ou modifiées.
  • L’impact positif de la mobilité croissante du marché du travail et de l’augmentation de l’emploi féminin sur le bénévolat devrait faire l’objet de recherches plus approfondies et d’une promotion plus large.
  • Un programme national interdisciplinaire de recherche sur le bénévolat devrait être créé, par exemple, à partir du Fonds national.