18. décembre 2016

Les valeurs communes sont le ciment…

…d’une nation issue de la volonté de ses citoyens
Actuellement, les déclarations des politiques sont loin d’ouvrir un vrai débat sur les valeurs, l’identité, la culture et la religion dans notre pays. Des phrases comme «L’Islam ne fait pas partie de la Suisse» dissimulent à peine l’idée d’une culture de référence, basée sur une population suisse homogène, laquelle n’existe plus depuis un siècle.

… d’une nation issue de la volonté de ses citoyens
Actuellement, les déclarations des politiques sont loin d’ouvrir un vrai débat sur les valeurs, l’identité, la culture et la religion dans notre pays. Des phrases comme «L’Islam ne fait pas partie de la Suisse» dissimulent à peine l’idée d’une culture de référence, basée sur une population suisse homogène, laquelle n’existe plus depuis un siècle. S’il est vrai que la Suisse est une nation issue de la volonté de ses citoyens et que ce sont ses valeurs communes qui confortent la cohésion à l’intérieur du pays, un vrai débat sur ces valeurs n’a jamais eu lieu. Les politiques s’en passent d’ailleurs fort bien. D’autant que la Suisse a déjà formulé à la perfection ses valeurs essentielles et les a fait accepter à la majorité de ses votants: ce sont les valeurs citées par la Constitution fédérale suisse de 1999. Le préambule de celle-ci résume les lignes directrices de la Suisse moderne et reflètent les valeurs essentielles de la nation: démocratie, diversité dans le respect de l’autre, liberté, paix, solidarité, indépendance, ainsi que responsabilité envers l’environnement, les socialement faibles et les générations futures.

Insuffler vie à ce texte
Il est d’autant plus important de ne pas laisser lettres mortes les valeurs inscrites dans la Constitution fédérale, mais de les transposer dans la conscience active de la population afin qu’elles soient connues, intériorisées et réalisées. La SSUP pense que la solution idéale serait d’intégrer ces valeurs dans le texte de l’hymne national. Du concours artistique lancé par la SSUP et visant à offrir à la Suisse un nouvel hymne national, le texte de Werner Widmer est sorti gagnant à l’automne 2015. Musicologue et économiste de la santé, Werner Widmer a conservé la mélodie de l’hymne actuel composée par Alberik Zwyssig. Toutefois, il a opté pour des paroles et métaphores faciles à comprendre. Le nouveau texte de l’hymne est donc beaucoup plus simple à assimiler que celui du Cantique suisse. En voici sa version française:

Sur fond rouge la croix blanche
symbole de notre alliance,
signe de paix et d’indépendance.
Ouvrons notre cœur à l’équité
et respectons nos diversités.
A chacun la liberté
dans la solidarité.
Chantons d’une même voix :
sur fond rouge la blanche croix.

Or, pour pouvoir se prononcer en faveur d’une nouveauté, il faut la connaître un tant soit peu. C’est pourquoi, la SSUP et le Conseil fédéral s’accordent sur l’idée qu’il convient de populariser d’abord le nouvel hymne national. Ce n’est qu’une fois un certain niveau de popularité atteint que ce texte pourra être entériné par les autorités compétentes et par le peuple. En juin 2016, la SSUP a transmis à toutes les communes suisses les nouvelles paroles afin qu’elles soient chantées en de nombreux endroits lors de la cérémonie de Fête nationale. Certaines communes ont eu une réaction positive et nous ont remerciés de cette idée. D’autres se sont montrées critiques, voire ont refusé le nouveau texte avec l’argument qu’il n’était pas officialisé. Au cours des débats et échanges de mails avec les sceptiques parmi les conseillers et greffiers communaux, j’ai constaté que de nombreux Suisses ignorent que le Cantique suisse a été chanté tout naturellement, le 1er août, parallèlement à l’hymne officiel de l’époque durant des décennies avant 1961. Les Suisses sont également nombreux à ignorer que ce n’est qu’en 1981 que le Cantique a été déclaré hymne national suisse officiel «pour l’armée et dans le domaine d’influence des représentations diplomatiques à l’étranger»; pour toutes les autres manifestations, ce texte n’est pas obligatoire. Enfin, les Suisses ne savent généralement pas qu’au cours de ces trois dernières années, face au Parlement, le Conseil fédéral a plusieurs fois explicitement justifié le projet de la SSUP visant à trouver un nouveau texte pour l’hymne national.

Le Conseil fédéral défend le projet CHymne
Lorsqu’en 1894, un professeur de chant genevois a souhaité voir officialiser le Cantique suisse comme nouvel hymne national, le Conseil fédéral a jugé que «l’introduction d’un tel chant ne pouvait être ordonnée par décision d’une quelconque autorité de l’État, mais qu’elle dépendait du goût du peuple qui avait à le chanter». 120 ans plus tard, le Conseil fédéral a plusieurs fois défendu ce même point de vue face à des parlementaires qui se sont opposés au projet CHymne de la SSUP en déposant des motions et interpellations. Ainsi, le 19 février 2014, le Conseil fédéral a répondu à une motion en ces termes: «L’hymne national n’a cessé d’être contesté depuis son institution en 1961. Ces dernières décennies, il y a eu des tentatives répétées de le modifier. Le Conseil fédéral voit dans cette succession de propositions l’apport constructif de citoyennes et de citoyens engagés. Le Conseil fédéral est d’avis qu’il n’y a rien à redire à la démarche de la Société suisse d’utilité publique (SSUP).» Le 25 juin 2014, le Conseil fédéral a répondu à une autre motion: «Quoi qu’il en soit, le Conseil fédéral ne déciderait pas de son propre gré et sans consultation des chambres de l’introduction d’un nouvel hymne national.» Le 19 novembre 2014, le Conseil fédéral a répondu à une interpellation: «Aucune base légale ne confère au Cantique suisse le statut protégé d’emblème ou de symbole de la nation. Le concours lancé par la Société suisse d’utilité publique n’enfreint donc aucune loi.» Enfin, le 16 novembre 2016, le Conseil fédéral a répondu à une motion qu’il ne voyait «de comportement déloyal […] dans la démarche de la SSUP visant à faire adopter un nouvel hymne national.»

«Sur fond rouge, la croix blanche» dans une vingtaine de communes
La position du Conseil fédéral est qu’un nouveau texte devra d’abord être connu et accepté du public avant d’être hissé sur la scène politique. C’est ainsi que dans une vingtaine de communes, le 1er août 2016, outre une à quatre strophes du Cantique traditionnel, les nouvelles paroles proposées ont également été chantées. Tel a été le cas à Teufen AR, Wil SG, Muolen SG, Bischofszell TG, Bazenheid SG, Hombrechtikon ZH, Richterswil ZH, Meinier GE, Champéry VS, Vaumarcus NE, Genthod GE, Lauenen BE, Berne, Rigi Klösterli SZ, Arbon TG, Schänis SG, Schmerikon SG, Gommiswald SG, Glaris GL, Zollikerberg ZH et Estavayer-le-Lac FR. Parallèlement au texte officiel de l’hymne, la nouvelle strophe de Werner Widmer a par ailleurs été chantée au Grütli et à Miami (par l’association locale des Suisses). La SSUP poursuit maintenant l’objectif que dans au moins 50 communes suisses, le 1er août 2017, les nouvelles paroles proposées soient chantées, parallèlement à l’hymne officiel. Le site officiel du projet CHymne présente des interprétations musicales d’une grande qualité. Toutefois, le nouveau texte proposé par la SSUP ne sera présenté au Parlement que le jour où la majorité de la population s’identifiera davantage à lui qu’au Cantique suisse.

En 1841, le Zurichois Leonhard Widmer a rédigé le texte de l’hymne national actuel; 174 ans plus tard, le Zurichois Werner Widmer, a gagné le concours artistique visant à créer un nouveau texte pour la mélodie du cantique composée à l’époque par Alberik Zwyssig.

Lukas Niederberger