10. septembre 2020
Heinz Altorfer, Vice-président, quitte la SSUP
Heinz, tu as été élu au Comité exécutif de la SSUP en 2005. Quelle était ta motivation pour dire OUI? Et qu’a dit ton employeur?
En fait, j’étais en contact avec la SSUP depuis 1992. J’avais participé à un projet qui a ensuite pris son envol sous le nom de «SeitenWechsel». Dans le cadre de mon activité professionnelle au sein du Pour-cent culturel Migros, où j’étais responsable de la Division sociale, j’étais également en contact depuis de nombreuses années avec le Directeur de la SSUP de l’époque, Herbert Ammann. Représentant des institutions proches les unes des autres, nous avons cultivé la coopération sur le plan des contenus, lançant également des manifestations communes et l’Observatoire du bénévolat. De cette manière, j’ai eu des échanges de plus en plus fréquents avec les autres organes de la SSUP, avec ses commissions et la Présidente de l’époque, Judith Stamm. Enfin, Herbert Ammann m’a demandé si je ne voulais pas devenir membre du Comité exécutif. J’ai accepté parce que je pouvais très bien m’identifier aux thématiques de la SSUP et que je trouvais passionnante la coopération institutionnelle entre la SSUP et le Pour-cent culturel Migros. Comme la coopération s’inscrivait aux principes mêmes de mon travail pour Migros, je n’ai jamais demandé à quiconque la permission de m’impliquer dans la SSUP, même si cet engagement dépassait largement mes heures de travail.
Lorsque tu as rejoint la SSUP, c’était l’époque des extrémistes de droite se rassemblant au Grütli. Comment as-tu vécu cette période?
Il y avait quelque chose d’irréel dans tout cela. Ici l’organisation à but non lucratif et patriotique aux motifs nobles, là la scène d’extrême droite établie, qui a tenté d’instrumentaliser le Grütli afin d’obtenir une plateforme publique efficace pour ses actions. Je n’étais pas au premier plan de ces conflits, qui ont d’ailleurs mobilisé beaucoup de ressources de la SSUP. La Présidente en tant que femme politique, les juristes, un consultant externe en communication (devenu plus tard mon collègue au Comité exécutif) et le Directeur général avec sa profonde connaissance de cette scène d’extrémistes – tous étaient très sollicités. J’ai été heureux de leur engagement en la matière, car mes compétences personnelles ne résidaient pas dans la gestion de cette crise.
Tu as été le principal moteur du développement des programmes permanents de la SSUP, SeitenWechsel, Job Caddie et Intergeneration. C’est entre autres grâce à toi que la SSUP est aujourd’hui bien plus qu’une organisation de soutien; elle est devenue une ONG avec ses propres activités. Comment vois-tu cette évolution aujourd’hui?
Au nom de la vérité: Il y avait bien sûr de nombreux autres «moteurs» pour ces programmes. Mais en ce qui me concerne, j’étais absolument convaincu que les actions avaient un effet bien plus fort sur le monde extérieur que de simples mots. C’est pourquoi, dès le début, je me suis engagé dans le développement de projets – au sein du Comité mais aussi en soutenant le personnel opérationnel. En tant que spécialiste des sciences sociales et ayant une expérience professionnelle très variée dans le domaine des projets et du soutien, j’ai pu apporter une importante contribution. Pour moi, le travail avec des projets concrets est encore aujourd’hui une stratégie essentielle pour le succès d’une ONG. De nombreux développements ne peuvent être amorcés que si vous mettez quelque chose en pratique, que vous prenez les gens avec vous et que vous les inspirez; il ne suffit pas de parler des problèmes. C’est d’ailleurs ce qui fait la réputation de la SSUP: c’est ce mélange de pépinière d’idées, d’institution donatrice et d’acteur d’utilité publique qui distingue la SSUP des autres ONG ou fondations.
Ancien chef de la Division sociale du Pour-cent culturel Migros, membre de la Commission suisse de l’Unesco, Vice-président de la fondation «Stapferhaus Lenzburg», Vice-président de l’exécutif de l’Eglise catholique-romaine d’Argovie, moteur de «Stimme Q», une initiative promouvant l’éducation préscolaire – un nombre impressionnant de thématiques sociales et de questions éducatives t’ont préoccupé au fil du temps. Quel est le sujet qui te tient tout particulièrement à cœur?
Mon cœur s’enflamme généralement pour la cause dans laquelle je m’engage sur le moment. Les thèmes ne sont pas seuls déterminants, les personnes engagées à mes côtés sont tout aussi importantes! La plupart des sujets sociaux et situations problématiques présentent un lien. Je ne souhaite pas être le spécialiste aux yeux d’une certaine clientèle, je m’intéresse à ces liens. Une politique en faveur de la petite enfance est fortement liée à la lutte contre la pauvreté et à l’intégration. L’éducation permet aux individus de trouver une place dans la société. La solidarité entre les générations favorise l’équité, etc.
Tu connais par cœur le paysage suisse des fondations et les organisations donatrices. Les dons de ces organisations et fondations s’élèvent à un total de deux milliards de francs par an! Comment répartirais-tu ces sommes si tu en avais la possibilité?
J’ai beaucoup de respect pour ce que les fondations et organisations donatrices font aujourd’hui; leur action est significative et efficace. Elles ont une grande responsabilité sociale. A mon avis, leur travail est devenu beaucoup plus professionnel au cours de ces vingt dernières années. Néanmoins, elles ne peuvent jamais couvrir tous les besoins. L’Etat et la société civile doivent travailler conjointement pour trouver des solutions durables. C’est pourquoi j’utiliserais à l’avenir davantage de fonds là où les ONG engagent des coopérations avec l’Etat, des citoyennes ou citoyens individuels et la société civile. Et je tiendrais compte du fait que le changement social n’est pratiquement jamais piloté d’en haut; il est favorisé par la communication et le comportement coopératif des personnes et organisations dès lors que celles-ci souhaitent relever ensemble les défis sociaux. C’est là que j’investirais davantage de moyens.
Tu es un réseauteur et un initiateur engagé. Pourtant, chaque année tu entreprends seul une étape de pèlerinage sur le chemin de St-Jacques de Compostelle. Quelle est ton opinion personnelle à l’égard des célèbres couples «mysticisme & politique», «contemplation & action», «spiritualité & engagement social», «introspection & vie publique»?
La plupart des gens ressentent bien où ils puisent l’énergie nécessaire à leur activité. Pour moi, dans toute cette folle complexité du monde, c’est en retournant régulièrement chercher la simplicité de la vie avec moi-même, en acceptant les opportunités de nouvelles rencontres et en élargissant l’horizon de ce qui fait sens au-delà du factuel et du réel. Sans ces références, je me perdrais probablement dans l’activisme et je finirais par m’épuiser. Jusqu’à présent, j’ai assez bien réussi avec ma méthode, et je suis convaincu que ce sera une voie raisonnable à l’avenir aussi.
Lorsque tu quitteras le Comité de la SSUP en décembre 2020, cela libérera bien plus d’une centaine d’heures par an que tu pourras utiliser différemment. Qui en profitera? Les pèlerins, tes petits-enfants, ta femme Monika ou de nouveaux engagements?
Je vais devoir sortir la calculatrice pour déterminer les pourcentages! Pour être sérieux: Je ne le sais pas et je ne veux pas le planifier. Je trouve fascinante cette liberté croissante de me laisser guider par les opportunités, les défis, mes propres besoins, ceux de ma famille ou d’autres personnes. Ce sera une question de mélange – comme avant.
Cher Heinz, au nom des très nombreuses personnes qui t’ont accompagné dans une étape ou une autre au cours de ces trente années de chemin poursuivi dans le cadre de la SSUP, je tiens à te remercier sincèrement pour ton engagement exceptionnel. Avec passion et énergie, avec compétence et sagesse, avec ouverture et cordialité, tu as beaucoup donné à la SSUP à tous les niveaux. Nous te souhaitons d’innombrables autres pas sur ton chemin d’Espagne, ainsi que beaucoup d’énergie et de joie de vivre.