Leonhard Widmer, en 1840, a écrit la version allemande du «Cantique suisse».
Werner Widmer, au printemps 2016, a rédigé un nouveau texte préconçu pour remplacer le premier.
Le samedi 12 septembre 2015 à 19 heures, c’est chose faite. Dans l’émission «Potzmusig», diffusée en direct depuis la place de l’église à Aarau, Nicolas Senn a révélé la proposition gagnante. La strophe suisse a été une surprise générale: en effet, la proposition gagnante n’existe pas seulement dans chacune des quatre langues nationales, mais avec la «strophe suisse», une version quadrilingue a été créée en plus.
En 1841, le Zurichois Leonhard Widmer a rédigé le texte de l’hymne national actuel; 174 ans plus tard, le Zurichois Werner Widmer, a gagné le concours artistique visant à créer un nouveau texte pour la mélodie du cantique composée à l’époque par Alberik Zwyssig.
Werner Widmer a 62 ans et habite à Zollikerberg. Il a d’abord étudié la théorie de la musique au conservatoire de Berne, puis l’économie à l’université de Bâle.
Il dirige aujourd’hui la fondation «Diakoniewerke Neumünster» à Zollikerberg et enseigne à l’université de St-Gall. Werner Widmer est en outre président du conseil d’administration de l’hôpital cantonal de Bâle-Campagne, administrateur du SV-Group et membre du comité de Curaviva Suisse et d’IMPULSIS.
La nouvelle strophe:
Weisses Kreuz auf rotem Grund,
unser Zeichen für den Bund:
Freiheit, Unabhängigkeit, Frieden.
Offen für die Welt, in der wir leben,
lasst uns nach Gerechtigkeit streben!
Frei, wer seine Freiheit nützt,
stark ein Volk, das Schwache stützt.
Weisses Kreuz auf rotem Grund,
unser Zeichen für den Schweizer Bund.
Nouveau texte d’hymne dans toutes les langues
Le Chœur suisse des jeunes chante le nouveau texte de l’hymne national
Interview avec Werner Widmer
«Croix blanche sur fond rouge»
Le 12 septembre 2015 a été proclamée la proposition gagnante du concours artistique visant à donner un nouvel hymne national à la Suisse. L’auteur du nouveau texte s’appelle Werner Widmer. Il est économiste et habite à Zollikerberg (ZH). Il avait d’abord étudié la théorie de la musique au conservatoire de Berne. Aujourd’hui, il dirige la fondation «Diakoniewerke Neumünster» et préside le conseil d’administration de l’hôpital cantonal de Bâle-Campagne. Pour sa proposition, Werner Widmer a conservé la mélodie de l’hymne actuel.
Monsieur Widmer, au nom de la SSUP, je souhaite tout d’abord vous féliciter d’avoir remporté la victoire au concours CHymne. Pourquoi avez-vous participé à ce concours? Vu vos fonctions dans le domaine de la santé, je ne pense pas que ce soit pour tuer le temps.
Je remercie la Société suisse d’utilité publique d’avoir lancé et organisé ce concours. J’y ai participé parce que la tâche m’a intéressé: j’étais motivé de rédiger un texte pour accompagner la mélodie du Cantique suisse et je voulais que ces paroles se rapprochent le plus possible du préambule de la Constitution fédérale. En effet, les valeurs mentionnées par le préambule sont essentielles pour bien vivre dans notre société.
Comment ont réagi vos amis et collègues lorsqu’ils ont appris que vous aviez soumis un texte et que vous avez gagné le concours CHymne?
Pour ceux qui me connaissent de par mes fonctions dans le domaine de la santé, c’était avant tout une surprise. Certains collègues et surtout mes proches ont exprimé leur fierté. La réaction la plus extrême m’est parvenue d’un jeune norvégien. Pour la comprendre, il faut savoir qu’en Norvège l’hymne national a une tout autre importance que chez nous et que le plus haut représentant du pays est le roi. Le commentaire de Frederick était: „Werner is fu..ing!“
Vous avez élaboré votre contribution entre janvier et juin 2014 pour la déposer dans les délais au notariat désigné par CHymne. La notaire l’a anonymisée, à l’instar des 207 autres contributions, avant de l’envoyer au jury composé de 30 personnes. En décembre 2014, vous avez su que votre proposition faisait partie des six meilleures. En juin 2015, vous avez appris que vous faisiez partie des trois finalistes. Le 12 septembre 2015, Nicolas Senn, virtuose de musique populaire, a annoncé, sous les feux de la télévision, que le gagnant, c’était vous. Comment avez-vous vécu ces procédures dans l’ensemble et les différentes étapes en particulier?
J’ai apprécié la grande loyauté du concours: les auteurs des contributions sont restés anonymes jusqu’au bout. J’étais au comble du bonheur lorsque j’ai appris que ma proposition faisait partie des six meilleures! Quelques jours plus tard, le quotidien zurichois «TagesAnzeiger» a procédé à un vote et mon texte s’est placé en tête. Alors, j’ai compris que j’avais des chances de gagner. Et je n’oublierai sans doute jamais le 12 septembre 2015. C’était un moment juste incroyable. C’est quand même une sensation particulière: prendre conscience d’avoir écrit un texte qui sera peut-être un jour celui de l’hymne national officiel.
Le texte de l’hymne actuel est signé Leonhard Widmer, votre homonyme, lequel il y a 175 ans a rédigé la version allemande du «Cantique suisse». Or, ces paroles sont aujourd’hui passablement désuètes. Votre proposition en revanche reflète bien notre époque. Une première version française, provisoire, existe; sa version française définitive, disponible fin 2015, sera probablement assez proche de votre original allemand.
Weisses Kreuz auf rotem Grund,
unser Zeichen für den Bund:
Freiheit, Unabhängigkeit, Frieden.
Offen für die Welt, in der wir leben,
lasst uns nach Gerechtigkeit streben!
Frei, wer seine Freiheit nützt,
stark ein Volk, das Schwache stützt.
Weisses Kreuz auf rotem Grund,
unser Zeichen für den Schweizer Bund.
Pourquoi avez-vous choisi ces mots et cette structure pour le futur hymne national?
Un hymne national doit rassembler et souligner ce qui unit les personnes vivant en Suisse. Ce n’est pas une langue commune, ni une religion commune, et nous ne vivons pas non plus sur une île séparée des autres pays par une mer. Ma proposition dirige son focus sur le présent et l’avenir. Bien sûr, personne ne sait ce que sera l’avenir. Toutefois, nous pouvons aujourd’hui aider à le construire et, ce faisant, nous baser sur des valeurs que nous estimons et défendons. C’est conscients de nos diversités que nous voulons former un pays. La Suisse repose sur la volonté commune de ses citoyens et sur leurs valeurs communes. Chaque génération doit à nouveau confirmer cette volonté. C’est à cela que le nouveau texte veut contribuer.
La SSUP s’est beaucoup investie dans son projet CHymne. Elle a ainsi suscité de nombreuses critiques du genre «Ne pensez-vous pas qu’il y ait d’autres problèmes à résoudre dans notre pays?» Que répondez-vous à cet argument?
C’est bien vrai: nous avons des problèmes plus importants à résoudre. De toute façon, l’hymne national ne doit pas être considéré comme un problème! Au contraire: il peut amorcer des solutions. Le nouveau texte s’appuie sur le préambule de la Constitution fédérale et rappelle les valeurs qui y sont énoncées. Ces valeurs sont une bonne base pour élaborer ensemble des solutions à de vrais problèmes. Partager les mêmes valeurs est important en Suisse qui diffère fondamentalement des autres pays. Se référer aux mêmes valeurs pourrait, par exemple, éviter des résultats de votation qui ne sont pas conciliables avec le droit existant. Etant donné que la Suisse n’a pas de tribunal constitutionnel, il est d’autant plus important que nous ayons toujours à l’esprit les valeurs ancrées dans notre Constitution.
J’imagine que des groupes religieux et des personnes croyantes vous demandent par ailleurs pourquoi vous n’avez pas repris la première ligne du préambule pour le nouveau texte de l’hymne. Pourquoi avoir exclu Dieu Tout-Puissant?
Un hymne national doit rassembler les personnes vivant en Suisse. Or, dans notre pays, plus du quart de la population déclarent être «sans religion». L’hymne national doit pouvoir se chanter avec conviction, autant que possible, par tous les habitants suisses. Le temps est révolu où l’hymne national constituait une déclaration de foi. Dieu n’est plus explicitement présent dans le texte, c’est vrai. Toutefois, dans une vision judéo-chrétienne, le nouveau texte comporte des termes et des concepts décrits par la Bible comme la volonté de Dieu: la liberté, l’équité, la paix et l’assistance portée aux plus faibles. Ce sont des valeurs que peuvent également chanter des personnes non religieuses.
La SSUP promouvra votre texte à travers le pays. Dès lors qu’il aura atteint une popularité suffisante, la SSUP le soumettra à l’instance fédérale compétente. Quels défis considérez-vous comme majeurs? Selon vous, quelles sont les chances qu’un jour, lors de la Fête nationale suisse ou de championnats de foot, votre «Croix blanche sur fond rouge» soit chanté?
Je pense que les chances sont bonnes. Ce texte pourrait bien être entériné comme hymne national. D’abord parce que les Suisses ont majoritairement du mal à s’identifier avec les paroles de l’actuel Cantique. Ensuite parce que l’ancienne mélodie est conservée. Troisièmement parce qu’une grande proportion des Suisses défendent les valeurs auxquelles se réfère mon texte. Quatrièmement parce que «Croix blanche sur fond rouge» reprend ce que le public voit lorsque, à l’occasion des festivités du 1er août ou des compétitions sportives internationales, l’hymne national retentit: le drapeau suisse, symbole le plus populaire de notre pays.