1. mai 2016
Accueil des réfugiés chez les particuliers
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Disclaimer: L’article suivant a été publié en Mai 2016.
À l’automne 2013, on a assisté aux noyades en mer d’innombrables réfugiés syriens qui tentaient de rejoindre Lampedusa. À l’été 2014, c’est l’afflux de réfugiés du Proche-Orient, passant par les Balkans pour arriver en Autriche et en Allemagne, qui a suscité une vague de compassion et de solidarité. De nombreux Suisses et Suissesses se sont portés volontaires auprès des organismes d’aide aux demandeurs d’asile, des organisations caritatives, des agences publiques ou des églises pour s’engager auprès des réfugiés et proposer de les accueillir chez aux. Dès 2013, l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) a fait part à la Confédération et aux cantons de son intention d’héberger et d’accompagner des réfugiés dans le cadre privé. La SSUP a soutenu le projet pilote dès son lancement. Deux ans plus tard, qu’est-il advenu de cette initiative? La SSUP s’est entretenue avec Stefan Frey, porte-parole de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés.
Monsieur Frey, il y a 20-30 ans, il allait de soi que les réfugiés étaient logés chez des particuliers. Le logement collectif en centre d’accueil pour demandeurs d’asile est plus récent. Pourquoi l’accueil chez des particuliers est-il devenu un problème?
Depuis les années 80, en particulier après les guerres des Balkans, la législation sur le droit d’asile n’a cessé de devenir plus complexe et plus restrictive. La législation a connu près d’une douzaine de révisions, qui n’ont rien changé aux causes fondamentales des migrations, ni au fait que les gens viennent chercher asile en Suisse. En revanche, la solidarité humaine, le sens de l’accueil, et surtout la participation de la société civile, ont cédé le pas à la bureaucratie. Il a fallu en quelque sorte «réinventer» l’accueil de réfugiés et de demandeurs d’asile par des particuliers pour pouvoir l’intégrer à la machinerie actuelle du droit d’asile.
Quels retours positifs recevez-vous des hôtes et des personnes accueillies?
Globalement, toutes les familles d’accueil nous ont dit que l’échange avec les personnes qu’elles recevaient représentait un enrichissement et leur faisait découvrir d’autres cultures et d’autres coutumes. Par ailleurs, et c’est cela qui est vraiment formidable, au bout de quelques semaines à peine, les gens mènent une vie quotidienne parfaitement normale sous le même toit. L’un des résultats est que les personnes accueillies s’adaptent rapidement à la langue et au rythme, mais aussi à la vie quotidienne, dans un pays qui est tout de même très compliqué pour la plupart d’entre eux.
Les offices nationaux et cantonaux chargés de l’accueil ont initialement présenté un grand scepticisme et de fortes résistances face à l’accueil par des particuliers. La situation a-t-elle évolué, et si oui, où et comment? Si non, pour quelle raison?
On constate une ouverture toujours croissante vis-à-vis de l’accueil par des particuliers, vu comme un instrument permettant une intégration plus rapide et plus efficace des réfugiés. Bâle-Ville lance en décembre un programme d’accueil chez les particuliers en collaboration avec une ONG locale; ce faisant, la GGG se réfère expressément au projet de l’OSAR. Cela nous réjouit bien sûr beaucoup. Les cantons de Neuchâtel, Soleure, Lucerne et Zoug nous ont consultés de manière approfondie et réfléchissent à présent à la possibilité et à la manière de renforcer le recours aux particuliers. Dans le canton de Zürich, les organisations religieuses sont passées à l’offensive et l’AOZ permet d’accueillir des requérants d’asile chez des particuliers. On voit les choses évoluer (sans doute aussi parce que la «pression» s’est encore accrue sur les capacités d’accueil), ce qui n’était pas pensable il y a seulement quelques mois.
Quels sont les risques réels ou potentiels de l’accueil de réfugiés chez des particuliers?
Malgré un entretien initial entre les personnes concernées qui d’ailleurs n’engage encore à rien il peut s’avérer au bout de quelques jours ou semaines de vie commune que les caractères ne soient pas compatibles. Dans ce cas, les réfugiés devraient retourner dans les structures cantonales ou bien nous devrions leur trouver une autre place mieux adaptée. Cela représenterait un surcroît de travail. Il pourrait arriver que des demandeurs d’asile dont la demande est en cours de traitement reçoivent une réponse négative pendant leur séjour chez des particuliers et doivent quitter le pays, auquel cas la situation serait difficile avant tout sur un plan affectif. Nous essayons de résoudre ce problème en posant à l’avance des conditions claires à savoir que les particuliers doivent suivre les directives des autorités cantonales. De plus, nous ne plaçons que des demandeurs d’asile venus de pays pour lesquels la probabilité d’une décision positive est très élevée (réfugiés ou admis provisoires provenant de Syrie, Erythrée, Somalie ou Afghanistan). D’autre part, les candidats à l’accueil sont soigneusement sélectionnés par le personnel d’encadrement au sein de chaque canton, ce qui devrait réduire les risques en termes de relations humaines. Jusqu’à présent au bout de tout juste dix mois nous n’avons pas encore fait d’expérience négative.
Quelle assistance professionnelle peut être proposée en cas de situation d’incompréhension, de conflits ou de sollicitation excessive entre les réfugiés et les familles d’accueil?
Le principe est que les réfugiés restent dans le système d’asile cantonal, et conservent donc les mêmes prestations, telles que l’assurance maladie, l’aide sociale, etc. De plus, l’OSAR propose des traducteurs interculturels, qui établissent un partenariat avec les familles d’accueil et les réfugiés. On commence par mettre en place des réunions hebdomadaires à domicile, afin de mettre d’emblée sur la table les habitudes incompatibles ou les questions culturelles ouvertes par exemple dans le domaine religieux avant que les tensions n’aient le temps de s’accumuler.
Du point de vue des chiffres, comment évolue la situation? Combien de personnes ont proposé d’accueillir des réfugiés, et d’autre part, combien de réfugiés ont demandé à être accueillis chez des particuliers?
Jusqu’à la fin novembre, nous avons environ 30 familles d’accueil, qui soit ont déjà reçu des réfugiés chez elles, soit seraient prêtes à en accueillir immédiatement suite aux enquêtes préliminaires. Ainsi, nous pouvons pour le moment loger 50 à 60 personnes en familles d’accueil. Avec les ressources dont nous disposons actuellement, une à deux familles par semaine peuvent recevoir des réfugiés.
Quelle est la situation financière? Pour chaque réfugié, que verse l’État au réfugié, à la personne qui l’accueille et à l’OSAR pour l’intermédiation et l’accompagnement? Et quels sont les apports manquants dans la caisse de l’aide aux réfugiés?
Les réglementations financières et les montants versés aux réfugiés et pour leur logement dépendent des cantons; ils restent identiques même lorsque[nbsp] les réfugiés sont reçus en familles d’accueil. Les familles d’accueil sont simplement défrayées pour l’espace habitable mis à disposition, ce dédommagement étant basé sur le barème en vigueur, lequel reflète les loyers pratiqués localement. L’OSAR prend en charge les frais de personnel pour l’intermédiation, le recrutement et l’accompagnement des familles d’accueil ainsi que les frais des traducteurs interculturels. À cela s’ajoutent par exemple les coûts de transports pour les cours de langue ou de formation supplémentaires qui ne sont pas pris en charge par les cantons. Dans certains cas, il y a besoin d’une aide initiale pour un cours supplémentaire, ou bien la mise à disposition de vélos (issus des bourses aux vélos) occasionne des frais, lorsque les lieux d’habitation sont un peu à l’écart des transports publics. De même, la communication ou l’accès à Internet fait problème. L’OSAR cherche encore environ 150’000 francs pour l’année 2016.
Quel est le statut des réfugiés qui bénéficient d’un accueil chez les particuliers? Peut-on envisager que des réfugiés en cours de demande d’asile soient logés chez des particuliers plutôt qu’en centres d’accueils?
Dans les cantons de Vaud et de Genève, c’est tout à fait intentionnellement que des demandeurs d’asile dont la demande est en cours de traitement sont choisis pour être placés en familles d’accueil. Plus vite les premières étapes de l’intégration peuvent être franchies, plus il y a de chances que les réfugiés ou les personnes bénéficiant d’un accueil provisoire n’émargent pas à l’aide sociale. À part cela, les réfugiés logés en familles d’accueil ne bénéficient d’aucun statut particulier, et nous ne voulons surtout pas que le projet «familles d’accueil» crée une nouvelle catégorie de réfugiés.
Chaque année, plus de 600 enfants et adolescents non accompagnés d’un parent ou d’un tuteur légal arrivent en Suisse et y déposent une demande d’asile. Ces personnes, dites réfugiés mineurs non accompagnés (RMNA), bénéficient d’une protection particulière au titre de la Convention sur les droits de l’enfant ainsi qu’en application de la Constitution fédérale suisse. D’après les directives de Dublin III, la Suisse doit veiller à ce que les RMNA se voient attribuer un tuteur disposant de qualifications et de compétences spécialisées, et qui ait accès au dossier de la personne mineure. Il faut être particulièrement attentifs à l’intérêt de l’enfant, au regard de la possibilité d’un regroupement familial, de son bien-être et son développement social, des éventuelles mesures de sécurité, mais aussi veiller à prendre en compte comme il se doit les objectifs de la personne qui demande l’asile. Quel regard portez-vous sur les mesures concrètes prises par l’État Suisse à ce sujet?
Le domaine des RMNA est actuellement en pleine mutation, parce que les infrastructures disponibles dans de nombreux cantons sont insuffisantes (en revanche, d’autres cantons s’en sortent bien), et que le nombre de mineurs non accompagnés ne cesse de croître. Dans le cadre des débats suscités par le Secrétariat d’état aux migrations (SEM) et les cantons, l’OSAR a proposé des mesures concrètes. Il semble que la stratégie des familles d’accueil de l’OSAR puisse contribuer à une solution qui respecte les besoins spécifiques des enfants et des adolescents.
Stefan Frey a répondu aux questions de L. Niederberger, SSUP